mardi 11 novembre 2014

Le scandale du gaspillage alimentaire en restauration scolaire : une aberration économique

J'ai déjà traité du scandale du gaspillage alimentaire sur le plan éthique et écologique dans des précédents billets (voir ici ou ). Je souhaiterais montrer aujourd'hui que le gaspillage alimentaire est une aberration économique et qu'il existe des solutions pour s'en sortir.




Tristam Stuart l'a bien démontré : depuis 15 ans, celui qui est le chantre du frugalisme ne cesse de préconiser des solutions simples pour moins gaspiller. Vous pouvez les découvrir ici, dans son excellente conférence TED, notamment à partir de la minute 8:30.




En restauration scolaire, le scandale est encore pire. Songez un peu : le coût de fabrication d'un repas classique revient à 3.50 € TTC. Si l'on y ajoute les coûts de surveillance, les investissements nécessaires pour les locaux, les frais de facturation aux familles, etc... un repas coûte au minimum 6 € au couvert. Dans ces 6 euros, la part de la matière première varie entre 1.10 et 1.80 € au couvert, selon l'âge du convive. Généralement, les sociétés de restauration bénéficie de 15% à 40% de marges arrières sur leurs volumes d'achat. Ceci veut dire qu'elles ne mettent en réalité que 0.80 à 1.35 € dans l'assiette. A cela, retirez également les coûts logistiques relatifs au transport des marchandises (on compte généralement 10% de frais de port) et on obtient une part alimentaire de 0.70 à 1.20 €.

Et voici le scandale économique du gaspillage : en jetant en moyenne 130 grammes par repas (données ADEME), la part alimentaire réellement consommée est de 0.50 à 0.85 € par couvert, soit 8% à 14% au mieux du coût total du repas. Ce qui veut dire qu'on met entre 7 et 12 fois plus d'argent que ce que le convive ne reçoit finalement ! Ce qui veut dire aussi que si vous réduisez le prix d'achat de votre prestation de 1% sans modifier la structure de coûts, vous dégraderez mécaniquement le contenu de l'assiette de 7 à 12%, soit par une diminution des portions, soit par une baisse de qualité.

C'est à proprement parler une aberration économique !


Peu de professionnels ont pensé cette question du gaspillage alimentaire en restauration scolaire.

La seule entreprise qui propose qui propose d'en mettre plus dans l'assiette et moins à côté est 1001 repas, avec son concept Zéro Gaspil. En apparence, il s'agit d'une banale injonction à ne pas gâcher. En réalité, l'innovation est beaucoup plus puissante et produit des résultats stupéfiants. Le mieux est d'aller voir sur place un restaurant Zéro Gaspil pour comprendre. Vous pouvez aussi écouter les explications de Jean Frédéric Geolier, le président de 1001 repas, ici.


Il faut bien comprendre que, chez 1001 repas, la réduction du gaspillage est un cercle vertueux : les cuisiniers sont incités à faire bon pour réduire le gaspillage. Les enfants jettent moins, donc la part alimentaire consommée, qui est aussi la part alimentaire disponible pour les cuisiniers, augmente, ce qui permet de faire de meilleurs plats, qui satisfont les convives, qui donc consomment moins !

Pour amorcer la pompe de ce cercle vertueux, 1001 repas a repensé le mode de fonctionnement du restaurant : finies les lignes de self rendant obligatoires les plateaux à 5 composantes. Il s'agit de laisser la liberté aux enfants, en leur faisant confiance et en faisant confiance aux cuisiniers pour leur mijoter des plats à leur goût. Finies également les taches sans valeur ajoutée, comme la mise en ramequins individuels : le temps de travail est consacré à l'éducation au goût, devant et avec le convive pendant le service, et non avant et derrière.

Une révolution ? Non, juste une innovation, basée sur un changement de regard et des convictions éthiques fortes de la part de Jean Frédéric Geolier (il est très engagé dans l'aide aux plus démunis, notamment pour l'association ASMAE de Soeur Emmanuelle).

Mais comme toute innovation, cela a des conséquences incalculables et des résultats inestimables. En attendant 1001 repas continue son développement en Rhône Alpes et mériterait de pouvoir diffuser son approche partout en France.

vendredi 7 novembre 2014

Le scandale du gaspillage alimentaire : retour sur la conférence de Guillaume Garot à Sciences Po

Dans un précédent billet (voir ici), je m'étais insurgé contre le scandale écologique que constitue le gaspillage alimentaire dans les cantines scolaires.

Sur ce même thème du gaspillage alimentaire, j'étais présent à la conférence qu'a tenu Guillaume Garot, ce mercredi à Sciences Po.


L'ancien ministre chargé de l'agroalimentaire a abordé ce sujet en insistant sur l'intérêt crucial d'éduquer les enfants à ne pas gaspiller.


Guillaume Garot a conclu en disant que la lutte contre le gaspillage alimentaire était un choix de société, plus frugale et plus solidaire.


Mais l'originalité et la puissance de son discours ne tient pas à cela. Ce que dit Guillaume Garot, c'est qu'une société qui jette moins est aussi une société plus conviviale.

Car gaspiller est avant tout une marque de mépris. Comment peut-on vivre ensemble, si l'agriculteur qui produit pour nourrir s'aperçoit qu'il produit pour jetter ? Comment les équipes de restauration peuvent-elles être fières de ce qu'elles transforment, lorsque les poubelles sont pleines ? Quelle est la valeur du moment du repas partagé ensemble, si ce dernier part à la poubelle ?

Le mépris, et Xavier Corval, le président de EQOSPHERE, l'a bien montré, trouve son origine dans l'absence de valeur qu'on donne au produit jeté. Dès lors qu'il prend de la valeur, ou se voit réattribuer une valeur, alors le produit change de statut, et les regards changent également. Le cas d'AUCHAN est très emblématique : les rebuts n'avaient initialement pas de valeur pour le contrôle de gestion d'Auchan. En amenant les équipes d'Auchan à regarder autrement ses rebuts, EQOSPHERE a montré qu'ils pouvaient avoir de la valeur. Qui plus est, EQOSPHERE a redonné de la fierté à des salariés qui trouvent dans l'acte de revaloridation des déchets un sens qu'ils ne trouvaient pas quand ils jetaient tout à la poubelle. Au point de vouloir faire des heures sup !

Etre fier, ne plus être dans le mépris des situations et de soi-même, pouvoir regarder autrement et se regarder autrement, comme je l'expliquais dans un précédent billet. Là commence une nouvelle éthique, une nouvelle façon de vivre ensemble, une nouvelle con-vivialité !