Une réponse claire sur le fond.
A la suite d'une question du parlementaire Alain Suguenot, le Ministre rappelle ici, le 7 janvier 2014 dernier, les 4 points clefs de la jurisprudence et du consensus
actuels :
- La restauration scolaire est un service public facultatif. En ce sens, la fréquentation de la cantine n'est
pas obligatoire
- Le principe de laïcité
exclut la prise en compte de demandes religieuses au sein de l’école. Ainsi « le fait de prévoir des menus en raison de pratiques confessionnelles
ne constitue ni un droit pour les usagers ni une obligation pour les
collectivités"
- La restauration scolaire
relève de la compétence des collectivités locales, et à ce titre, il leur revient
de poser des règles et de définir leur menu.
- Il est recommandé
d'informer les parents lors de l'inscription à la cantine et d'afficher les
menus à l'avance afin de permettre aux parents de prévoir les jours de présence
de leur enfant (cf. rapport du défenseur des droits du 28 mars 2013 relatif à
l'égal accès des enfants à la cantine scolaire)
Pour claire et précise qu’elle est, cette réponse ne passe cependant pas la
réalité de la situation d’un certain nombre de collectivités et
d’établissements.
Sur le terrain, une réponse difficile à mettre en pratique
Car enfin, que constate-t-on sur le terrain ?
- Si elle n’est pas un
service public, la restauration scolaire n’en est pas moins devenue un service
indispensable dans une société qui, prônant l’égalité femmes-hommes, a fait de
la journée continue de travail pour les 2 parents, la norme la plus communément
admise sur laquelle se base toute l’organisation de la société. Dire la
fréquentation de la cantine n’est pas obligatoire pour l’enfant dont les 2
parents (quand il ne s’agit pas de famille monoparentale) travaillent, relève
donc d’une argumentation pour le moins irréaliste si ce n’est spécieuse.
- Si l’on partage le fait qu’il ne faut pas ouvrir la boîte de Pandore à toutes les revendications religieuses (où
s’arrêterait-on ?), la présence majoritaire, dans certaines écoles,
d’enfants de confession musulmane, ne peut laisser indifférent. Qu’est-ce qu’un
service qui ne répond pas à la majorité des personnes qu’il est censé
servir ? Les collectivités n’ont certes pas obligation de prévoir des
menus en raison de pratiques confessionnelles mais, de fait, comment
répondent-elles, autrement qu’en fermant les yeux ou en détournant
hypocritement le regard ? Certaines collectivités ont d’ores et déjà pris le
problème à bras le corps. La Ville de Strasbourg propose des menus hallal et
casher, ces derniers ayant encore plus de contraintes que les premiers.
Quelle réponse pour l'enseignement catholique ?
Contrairement à l’école laïque, qui ne reconnait pas, par principe, l’appartenance de ses
élèves à une communauté religieuse, l’école catholique ne peut éviter de
regarder ses élèves, et donc ses convives, comme des enfants de Dieu.
S’interdire la question des menus spécifiques n'est pas simplement une hypocrisie, un déni de réalité, c'est aussi un renoncement. C’est, évidemment, dans le regard que se situe le fait éthique.
Et dans sa longue tradition, où les règles et les rythmes nutritionnels étaient prescrits selon sa vision du pur et de l’impur (les célébrations de Pâques sont là pour nous le rappeler), l’Eglise catholique doit avoir
des choses à dire. Je ne me permettrais pas de le faire à sa place, mais lancer
le débat pourrait contribuer à faire évoluer la société française toute
entière. Ce serait la contribution de l’Enseignement Catholique à la définition
de la laicité de son pays. Quels pourraient être les termes de ce débat ? Considérer en premier
lieu que la restauration scolaire est un service public, en ce sens qu’il fait
partie de l’école, et est nécessaire à son bon fonctionnement. Considérer ensuite que, si la prise en compte de
pratiques religieuses n’est pas obligatoire, rien ne l’interdit. Considérer enfin qu'il s’agit d’un cas pratique d’exercice de la pratique
religieuse, ce qui veut dire qu’il n’y a pas une réponse, mais des réponses
circonstanciées, qui doivent être le résultat d’une praxis, et émerger d’un
processus de discussion collective, incluant toutes les parties prenantes : les convives, les équipes de restauration, les parents, l'équipe éducative. En ce sens, les règles de consultation
publique, mises au point à propos de sujets épineux par le corps social (débat sur la bioéthique, les nanotechnologies,...),
pourraient constituer une première base de réflexion. Reste à l'enseignement catholique à définir son propre processus participatif et délibératif pour faire consensus, faire Eglise.
Et d’un sujet de crispation, d'un tabou, qui génère des réponses binaires ou
hypocrites, l’enseignement catholique en fera, dans la réalité qui est la sienne, un sujet apaisé, un sujet regardé en face, dans le droit fil du respect de chacun. Le sujet des menus spécifiques aura alors contribué à faire
avancer l’enseignement catholique dans la direction que lui propose Pascal
Balmand dans sa conférence de rentrée : « Il est beau que nos
établissements soient ouverts à tous, mais si cela se limite à la politique
d’inscription, cela ne suffit pas. L’ouverture à tous, pour être pleine et
entière, implique des efforts de tous les instants pour des pratiques
éducatives et pédagogiques qui permettent à chacun d’en tirer profit ».
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