Le Dr Vincent Boggio, les chercheurs Sophie Nicklaus et Sylvie Issanchou sont partis du constat suivant : dans notre société de surconsommation, qui laisse l'enfant devant un choix très large de consommer ce qu'il veut, l'éduquer à bien manger revient à lui faire renoncer à ses préférences. D'où la question : quand l'enfant acquiert-il ses préférences alimentaires et celles-ci sont-elles susceptibles de changer ?
L'étude, à lire ici, parvient à une série de conclusions, toutes très intéressantes, et certaines contre-intuitives :
1. la variété des expériences aromatiques dans le lait maternel (par ex, si la maman consomme des carottes, le lait a un goût de carotte) prédispose l'enfant à accepter plus tard de nouvelles flaveurs
2. De façon générale, la construction des préférences alimentaires est d'abord liée aux aspects sensoriels des aliments.
3. Après 3 ans, se développe un phénomène de néophobie (aversion aux aliments inconnus). Tout n'est pas joué, mais l'acceptation d'un nouvel aliment passe par la répétition des expositions. Le rôle des éducateurs se joue donc dans l'exposition à de nouvelles saveurs. Mais pour avoir de l'effet, ces expositions doivent être gustatives et pas seulement visuelles
4. Il est contre-productif de vouloir, pour les parents, contrôler la quantité et la nature des aliments consommés par leurs enfants. Cela accroît la frustration pour les aliments appréciés (et donc une surconsommation une fois l'interdiction levée), et le rejet définitif pour les aliments dépréciés.
5. Après 3 ans, les préférences alimentaires d'un jeune (jusqu'à 22 ans dans l'étude) ne sont pas statistiquement corrélées au sexe, à la corpulence, à la catégorie socio-professionnelle des parents, à leur âge, à la durée d'allaitement, mais à leurs préférences alimentaires à 2-3 ans ! Les choix à 2-3 ans sont donc la variable la plus contributive pour prédire les préférences alimentaires actuelles des jeunes.
6. Chez les enfants, une information sur le bon goût d'un aliment nouveau renforce sa consommation, alors qu'une information sur sa qualité nutritionnelle n'a pas d'effet.
En conclusion épicurienne, cette étude nous invite à être modeste dans nos ambitions, et surtout, à faire du plaisir le moteur de l'éducation au goût. C'est finalement possible à tous les âges, même à l'âge adulte !
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